HISTOIRE

Les origines

La légende raconte qu'en 2640 av. J.-C. la princesse chinoise Xi-Ling-Shi, ayant extrait de sa tasse de thé un cocon qui y était tombé par hasard, forma entre ses doigts élégants le premier fil de soie. Devenue l'épouse de l'empereur Hoong-Ti, la princesse développa et protégea la sériciculture et le tissage de la soie. On utilisait alors les oeufs du papillon Bombyx mandarina, un ancêtre de Bombyx mori. En Chine, la culture des vers à soie fut pendant près de deux mille ans l'un des secrets d'État les mieux gardés : la soie était en effet une production importante qui se vendait à prix d'or. La révélation des étapes de la sériciculture, tout comme l'exportation des graines du ver à soie, étaient punies de mort.

De la chine à l'occident

La soie transportée par les caravanes vers la Perse et l'Orient méditerranéen le long des traditionnelles routes de la soie était une denrée d'un tel prix que les efforts répétés pour découvrir les secrets de cette industrie furent finalement couronnés de succès.

En 419 apr. J.-C., une princesse chinoise venue épouser un prince du Khotan, au-delà des frontières occidentales de la Chine, cacha dans son chignon des oeufs de ver à soie, afin de pouvoir faire tisser la soie dans son nouveau royaume. Une fresque de Dandan-Oilik représentant cette princesse avec son métier à tisser et ses cocons permet ainsi de dater la migration de la sériciculture vers la Perse et le monde occidental.

De 527 à 565, pour tenter de supplanter le monopole persan du commerce de la soie, l'empereur d'Orient Justinien Ier envoie deux moines grecs vers le Tibet avec la mission de découvrir à tout prix les bases de la culture de la soie. L'historien byzantin Procope de Césarée raconte que ces moines rapportèrent des oeufs de ver à soie dans une cache ménagée dans leurs bâtons de pèlerin, ainsi que les secrets de cet élevage. En peu de temps Byzance installe des centres de production à Morée (dans le Péloponnèse), en Dalmatie, en Sicile, en Calabre. Les lourds brocarts de soie au couleurs chatoyantes, les samits, les lampas et les soies pourpres rebrodées d'or habillent les hauts personnages de la cour et sont offerts aux rois et aux dignitaires de l'Église auxquels on désire s'allier. Certains de ces tissus ont été conservés et font partie des trésors textiles des plus grands musées du monde (Bibliothèque vaticane, musée historique des Tissus de Lyon, fondation Abegg près de Berne).

Au VIIe siècle, le sud du bassin méditerranéen est devenu arabe. Pendant plusieurs siècles, on y produit les soies hispano-mauresques, précurseurs des velours et des brocarts de soie de l'Italie de la Renaissance (Florence, Gênes, Venise et Lucques).

En France

Les Cévennes et l'Occitanie sont dès 1234 productrices de soie. Mais c'est en 1599, sous le règne d'Henri IV, que la sériciculture se développe véritablement, avec la publication par Olivier de Serres de l'ouvrage Traité de la cueillette de la soie par la nourriture des vers qui la font, et le décret royal de décembre 1602 garantissant aux agriculteurs la gratuité des plants de mûriers et des oeufs de vers à soie.

En 1660, sous le règne de Louis XIV, Colbert tente d'acclimater la sériciculture dans le Lyonnais, en Bourgogne et dans l'Orléanais en accordant des primes aux agriculteurs désireux de planter des mûriers. Dans les Cévennes, la révocation de l'édit de Nantes en 1685 et la guerre des Camisards entraînent une ruine durable de cette
industrie lucrative essentiellement exercée par les protestants. La ville de Lyon, cependant, devient au XVIIIe siècle le centre de création des soieries les plus prestigieuses, destinées tant à l'habillement masculin et féminin qu'à l'ameublement de la royauté et de la noblesse.

L'invention du métier à tisser Jacquard, au début du XIXe siècle, apporte une impulsion décisive à l'industrialisation de la soierie lyonnaise et à la culture du ver à soie cévenole dont l'âge d'or se situe entre 1820 et 1853. En 1854, sont apparues de grandes épidémies qui ont dévasté les magnaneries (lieux d'élevage des vers à soie). De plus, l'usage des fibres synthétiques a largement remplacé celui de la soie naturelle. La sériciculture n'existe plus, en France, que dans quelques magnaneries du département du Gard.

Production et consommation

La Chine est actuellement le premier pays producteur et exportateur de soie. L'Inde se place en deuxième position ; elle produit surtout des saris pour la consommation intérieure. Le Japon, grand consommateur, importe 18 000 t de soie par an. L'Europe importe quant à elle 4 000 à 5 000 t de soie grège, matière première pour l'industrie du vêtement. Les États-Unis importent surtout des articles de soie déjà confectionnés ; leurs fournisseurs sont la Chine, la Corée du Sud, la Thaïlande et l'Europe pour les produits de luxe. La production mondiale annuelle de cocons a été en 1995 de plus d'un million de tonnes, réparties comme suit : 840 000 t pour la Chine, 124 000 t pour l'Inde, 25 000 t pour la Russie et les anciennes républiques soviétiques. La production mondiale moyenne de soie grège est supérieure à 105 000 t, dont plus des deux tiers sont dus à la Chine.

Arts et artisanat

Les maîtres tisserands anonymes de la Chine antique, de la Perse, de l'Asie Mineure, de l'Espagne moresque ou de la Renaissance italienne ont laissé des tapisseries, des velours, des soies polychromes si savants qu'on les a nommés " tissus d'art ".

C'est à Lyon, sous le règne de Louis XVI, que les créations de l'artiste Philippe de Lasalle, à la fois peintre et soyeux, deviennent la marque d'un style artistique nouveau. Ses portraits, ses représentations florales et animalières d'une grande beauté de coloris lui ouvrent les portes du palais des Tuileries, où ses métiers à tisser sont en démonstration permanente. L'impératrice Catherine II de Russie lui commande de nombreuses tentures de soie.

La Fabrique lyonnaise compte d'autres artistes réputés parmi lesquels Jean Pillement, qui se spécialise dans les fleurs imaginaires et les chinoiseries, ou encore, de 1804 à 1813, le dessinateur et teinturier Raymond, créateur des fameuses soies où figurent les motifs de chêne et de laurier, de la couronne impériale, de la rose, du lierre ou de l'abeille, décorant les palais impériaux. Au début du XXe siècle, de grands artistes comme Michel Dubost, Édouard Bénédictus ou Raoul Dufy signent les plus belles soies lyonnaises des années folles. Parallèlement aux créations toujours renouvelées, principalement pour les besoins de la haute couture, un artisanat dynamique de peinture sur soie s'est développé depuis 1968, en Europe de l'Ouest et aux États-Unis.

 

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